Le banquet de Platon
L'éloge d'Aristophane
La Naissance de Vénus de Sandro Botticelli
Le printemps est de retour. Les jambes des demoiselles se dévoilent et les musculatures de ces messieurs se laissent regarder... La vie sort de son sommeil. Sur les terrasses, dans la rue et dans les parcs, les couples se forment et s'enlacent. Les fleurs éclosent et laissent dégager leur parfum qu'on aime tant... Vraiment, il n'y a pas de doute, le printemps est de retour. Personnellement, c'est ma période préférée de l'année. Ni trop chaud. Ni trop froid. Et puis disons-le avec l'hiver atroce que nous avons vécu, et bien un peu de soleil et de chaleur ça regonfle ce moral qui s'était bien aplati. Sans parler de ces catastrophes naturelles qui ont décimé des vies cet hiver ! Non vraiment l'hiver est une période néfaste et sombre.
Ramakrishna* disait : « Sois comme la fleur, épanouis-toi librement et laisse les abeilles dévaliser ton coeur ! »
Le printemps a toujours été synonyme d'amour. Et pourtant, certains sont si blasés par ce mot vulgaire qu'ils en viennent à prononcer des phrases terribles... Hier, à une terrase de café j'ai entendu cette phrase : « Moi ça fait 5 ans que je suis célibataire et je le vis bien. Je ne m'ennuie jamais seule. Oh, peut-être qu'à la retraite, ça sera plus dur ! »
Je reste vraiment sceptique... Qu'on est des difficultés à trouver sa moitiée, c'est presque normal ! Qui arrive du premier coup à s'amouracher de quelqu'un pour une vie entière ? Pas grand monde. Ils doivent tenir dans un mouchoir de poche!
Il y a une histoire que j'aurai aimée raconter à cette dame, mais je n'ai pas osé... C'est celle d'Aristophane. Dans le Livre de Platon, Le Banquet, Aristophane, comme ses comparses, entreprennent à leur façon un éloge à Eros, le dieu de l'amour Grec.
Ma chère dame, lisez ces quelques lignes, et vous verrez que la vie doit surement être plus belle à deux.
« Les hommes ne se
rendent pas compte du pouvoir d'Éros, sinon ils lui auraient élevé les temples les plus imposants. Nul dieu n'est mieux disposé à l'égard des humains.
Qu'était la nature humaine, et que lui est-il arrivé ? Notre nature était autrefois différente : il y avait trois catégories d'êtres humains, le mâle, la femelle, et l'androgyne. De plus, la forme humaine était celle d'une sphère avec quatre mains, quatre jambes et deux visages, une tête unique et quatre
oreilles, deux sexes, etc. Les humains se déplaçaient en avant ou en arrière, et, pour courir, ils faisaient des révolutions sur leurs huit membres. Le mâle était un enfant du soleil, la femelle
de la terre, et l'androgyne de la lune. Leur force et leur orgueil étaient immenses et ils s'en prirent aux
dieux. Zeus trouva un moyen de les affaiblir sans les tuer, ne voulant pas anéantir la race comme il avait pu le faire avec les
Titans : il les coupa en deux. Il demanda ensuite à Apollon de retourner leur visage et de coudre le ventre et le nombril du côté de la coupure.
Mais chaque morceau, regrettant sa moitié, tentait de s'unir à elle : ils s'enlaçaient en désirant se confondre et mouraient de faim et d'inaction. Zeus décida donc de déplacer les organes
sexuels à l'avant du corps. Ainsi, alors que les humains surgissaient auparavant de la terre, un engendrement mutuel fut possible par l'accouplement d'un homme et d'une femme. Alors, les hommes qui aimaient les femmes et les femmes qui aiment
les hommes (moitiés d'androgynes) permettraient la perpétuité de la race; et les hommes qui aiment les hommes (moitiés d'un mâle), plutôt que d'accoucher de la vie, accoucheraient de l'esprit.
Ces derniers sont selon Aristophane les êtres les plus accomplis, étant purement masculins.
L'implantation de l'amour dans l'être humain est donc ancienne. C'est l'amour de deux êtres qui tentent de n'en faire qu'un pour guérir la nature humaine : nous sommes la moitié d'un être
humain, et nous cherchons sans cesse notre moitié, de l'autre sexe ou du même sexe que nous.
Quand nous rencontrons notre moitié, nous sommes frappés d'un sentiment d'affection et d'amour : nous refusons alors d'en être séparés. Qu'attendent-ils donc, ceux qui passent leur vie
ensemble ? Ce n'est certes pas la jouissance sexuelle. C'est quelque chose que souhaite l'âme, qu'elle ne saurait exprimer ; et pourtant elle le devine : ce qu'elle souhaite, c'est
se fondre le plus possible dans l'autre pour former un même être. C'est cela que nous souhaitons tous, nous transformer en un
être unique. Personne ne le refuserait, car personne ne souhaite autre chose.
Le nom d'amour est donc donné à ce souhait de retrouver notre totalité, et Éros est notre guide pour découvrir les bien-aimés qui nous conviennent véritablement. Le bonheur de l'espèce humaine,
c'est de retourner à son ancienne nature grâce à l'amour, c'est là notre état le meilleur. Éros nous sert en nous menant vers ce qui nous est apparenté, il soulève en nous l'espoir de rétablir
notre nature et de nous donner la félicité et le bonheur. »
*Râmakrishna, né Gadadhar Chattopadhyaya (1836-1886), est un prete hindouiste. Il est également l'auteur de : « N'acceptez rien parce que je vous l'ai dit. Éprouvez tout par vous-même. »
Tableau : La Naissance de Vénus est un tableau de Sandro Botticelli, peint vers 1485 et conservé aux Offices de Florence.
Vénus sort des eaux debout dans la conque d'un coquillage (coquille Saint-Jacques) géant. Elle est entourée à gauche d'un groupe de deux divinités des vents (Zéphyr et Aura[1]). Du ciel tombent doucement des roses, dont la naissance aurait coïncidé avec celle de Vénus selon une légende antique. À sa gauche, elle est reçue par un personnage féminin (Heure, fille de Zeus et divinité du printemps) tentant, malgré le vent, de la couvrir d'un voile rouge parsemé de motifs floraux, pour cacher une nudité déjà bien dissimulée par la déesse elle-même. La mer dont on aperçoit peu l'horizon (pouvant rappeler la mer dans laquelle les organes génitaux de son père Ouranos sont tombés, mutilés par son fils Cronos) est prolongée par un paysage de côtes qui se profile derrière Heure, et un bois de plusieurs arbres stylisés (tronc rectilignes) à feuilles assez grandes (type du magnolia) à l'extrême droite du tableau. L'ambiance générale de la scène est calme comme la mer qui supporte le coquillage, avec seulement quelques ondelettes elles-aussi stylisées et régulièrement espacées surmontées de l'écume (aphros) donnant naissance à la déesse.
Virginie Maillard