La garde à vue deviendrait-elle un nouveau sujet de campagne ?
Depuis des années, les associations, avocats et magistrats militent pour réformer la garde à vue. Pourquoi le sujet
arrive soudain sur le tapis ? Les chiffres alarmants font enfin leur effet ? Les gardes à vue abusives sont enfin montrées du doigt. Ou encore une goutte d'eau à fait, cette fois-ci, débordée le
vase ? En tout cas, une chose est fondée, l'idée de réformer la garde à vue germe dans les têtes des hommes politiques !
Les policiers ont-ils été trop loin avec trois collégiens de 14 ans ? Retour sur les faits...
Trois collégiennes de 14 ans sont placées en garde à vue pendant dix heures la semaine dernière dans un commissariat parisien après une bagarre dans leur collège. Les faits remontent au mardi 2 février au soir, à la sortie d'un collège du XXe arrondissement de Paris, lorsqu'une bagarre éclate entre deux garçons. Le garçon, par la suite interpellé, donne des coups, mais "pas les filles, qui ont essayé de séparer les protagonistes", a affirmé la maman d'Anne, une collégienne interpellée chez elle, confirmant ainsi une information de France Info.
Le lendemain, six policiers se rendent au collège et demandent à deux jeunes filles de les suivre. Ils vont ensuite au domicile d'Anne, restée à la maison, car elle est souffrante. Cueillie chez elle à 10 h 30, elle part en jogging, tenue dans laquelle elle dort, avec les policiers. Ceux-ci annoncent aux jeunes filles leur mise en garde à vue. Puis elles sont placées en cellule, leurs lacets ayant été confisqués. Un collégien, qui accompagne les jeunes filles, a aussi été interpellé le mardi 2 février, à 20 heures, et n'a été relâché que le jeudi matin, à 1 heure, après avoir passé plus de 25 heures en garde à vue, a précisé cette mère de famille.
La préfecture de police a annoncé que le préfet de police a demandé à l'Inspection générale des services (IGS, "police des polices") une enquête administrative pour savoir si une faute a été commise par la police. rappelons que selon la loi, un enfant de 13 à 16 ans peut être placé en garde à vue pendant 24 heures si des indices laissent penser qu'il a commis ou tenté de commettre une infraction.
Ce mardi 9 février, l'AFP vient de sortir une dépêche des plus révélatrices... A droite comme à gauche, une réforme de la garde à vue est réclamée. En voici le contenu :
PARIS — Proposition de loi des parlementaires Verts, texte analogue des députés PS, "travail de réflexion" voulu par le patron des députés UMP, Jean-François Copé... à droite comme à gauche, de plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer une réforme de la garde à vue.
La polémique sur les conditions de recours aux gardes à vue a rebondi ces derniers jours, en particulier après les protestations, mardi, des parents de trois collégiennes de 14 ans, placées en garde en vue la semaine dernière pour une bagarre à la sortie de leur établissement parisien.
Deux parlementaires Verts, le député Noël Mamère et la sénatrice Alima Boumediene-Thiery, ont dénoncé dans la matinée le caractère "aberrant et honteux" des gardes à vue et présenté une proposition de loi visant à les limiter aux infractions passibles d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans. Pour les autres infractions, elles seraient soumises à une autorisation de la justice.
Afin de "rendre le régime français de la garde à vue conforme à la convention européenne des droits de l'Homme", le principe du droit au silence du gardé à vue serait réaffirmé. L'avocat pourrait être présent dès le début de la garde à vue, il aurait accès au dossier pénal et assisterait aux interrogatoires.
Quelques heures plus tard, les députés PS ont eux aussi annoncé un texte similaire, prévoyant que tout gardé à vue "doit immédiatement faire l'objet d'une audition, assistée d'un avocat s'il en fait la demande". Le texte sera débattu le 25 mars lors de leur journée d'initiative parlementaire.
Selon un chiffre confirmé par le gouvernement, le nombre des gardes à vue en France s'est élevé à environ 800.000 en 2009. Un chiffre qui a augmenté de 67% depuis 2002, selon Christophe Caresche (PS). "Il y a aussi les gardes à vue non-officielles, qui seraient 300 à 400.000" par an, ajoute Roland Muzeau (PCF).
"1,6 Français sur 100" est menacé chaque année d'une mise en garde à vue, dénonce le député PS Claude Bartolone pour qui il faut "en finir avec ce scandale français". "Il y a une politique du chiffre qui conduit la police à faire de plus en plus de gardes à vue", renchérit Bruno Le Roux (PS).
A droite aussi, on estime, tel François Sauvadet (NC), qu'il y a "un vrai problème de garde à vue" en France. De son côté, M. Copé a annoncé mardi un "travail de réflexion" au sein du groupe UMP sur la garde à vue, après la révélation de pratiques "pour le moins troublantes".
Il se contente pour l'heure d'évoquer la nécessité d'un "juste équilibre entre les impératifs de sécurité, qui sont absolument indispensables et qui ne doivent en aucun cas empêcher les fonctionnaires de police et de gendarmerie de travailler, et le respect nécessaire des droits de la personne".
Lors d'un débat mardi au Sénat, organisé à l'initiative du groupe RDSE, Michèle Alliot-Marie a réaffirmé son intention de limiter l'usage de la garde à vue "aux nécessités réelles de l'enquête" et d'en améliorer les conditions, dans le cadre de la réforme de la procédure pénale, actuellement à l'étude.
"Il y a trop de gardes à vue", a admis la garde des Sceaux, en promettant que celles-ci seront "proportionnées à la gravité des faits" et ne seront possibles "que quand il s'agit de crimes et délits punis de peines d'emprisonnement".
La Cour européenne des droits de l'Homme a récemment rappelé la nécessité de garantir à toute personne placée en garde à vue le droit d'être assistée à toutes ses auditions dès le début de la privation de liberté.